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Le langage Swift est une des pierres angulaires de l'écosystème Apple. Depuis sa création en 2014, il a permis aux développeurs de créer des applications robustes et performantes pour iOS, macOS, watchOS et tvOS. Cependant, jusqu’à présent, il restait quasi exclusif à ces plateformes. Cette situation a changé récemment avec l’annonce d’un groupe de travail dédié au portage de Swift sur Android. Un geste qui pourrait révolutionner la manière dont les applications mobiles sont développées et déployées, en particulier pour les organisations qui souhaitent optimiser leurs processus numériques. Pourquoi un tel choix stratégique de la part d'Apple ? Pourquoi ouvrir son langage de programmation à une plateforme concurrente comme Android ? Quels sont les bénéfices, mais aussi les défis associés à ce portage ? Et surtout, le développement cross-platform est-il moins cher que le développement natif ? Ces questions méritent d’être explorées, car elles peuvent avoir des conséquences significatives pour les équipes techniques, les directions marketing et les décideurs numériques des organisations. Dans cet article, nous aborderons trois grands axes : d’abord, les raisons qui ont poussé Apple à prendre cette décision, puis les implications techniques concrètes du portage de Swift sur Android, et enfin les opportunités stratégiques que cela ouvre pour les organisations, notamment en termes de gestion des coûts, de simplification des processus et d'amélioration de l’expérience utilisateur. À travers ces analyses, nous chercherons à comprendre pourquoi et comment Swift s'ouvre à Android.
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Ce qu’il faut retenir :
- Swift est officiellement en cours de portage sur Android grâce à la création d’un groupe de travail dédié sous l’égide de Swift.org ;
- Cette initiative répond à une forte demande de portabilité des applications dans un écosystème mobile toujours plus fragmenté ;
- Le portage de Swift implique des adaptations techniques majeures, notamment pour le toolchain, le runtime et les interfaces natives d’Android ;
- Les organisations peuvent espérer des gains significatifs en termes de coûts, de cohérence produit et de rapidité de mise sur le marché ;
- Cette ouverture stratégique renforce la position de Swift comme langage multiplateforme et offre un levier d’attractivité pour les talents.
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1 : Swift devient officiellement compatible avec Android et rebat les cartes du développement mobile.
1.1 L’annonce du Android Workgroup marque une avancée majeure pour Swift sur Android.
En 2025, l’annonce de la création d’un Android Workgroup sous l’égide de Swift.org (la fondation qui supervise le développement de Swift) a marqué un tournant pour le langage Swift. Le groupe de travail a pour mission d'étudier, de développer et de maintenir la version de Swift compatible avec Android. Cette initiative ne se limite pas à une simple expérimentation, mais représente un engagement à long terme pour rendre Swift pleinement fonctionnel et viable sur les appareils Android.
Le Android Workgroup se compose de plusieurs experts et ingénieurs d'Apple et d’autres acteurs influents de la communauté du développement logiciel. L’objectif est clair : faciliter l'intégration de Swift dans l’écosystème Android en simplifiant le processus de portage des applications iOS vers Android. À cet égard, le groupe de travail se concentre sur plusieurs aspects techniques, tels que l’interopérabilité avec le NDK (Native Development Kit), la gestion des interfaces JNI (Java Native Interface) et l’adaptation aux chaînes d'outils comme Gradle et Swift Package Manager.
Cette ouverture officielle est le fruit de plusieurs années de discussions au sein de la communauté Swift, qui a longtemps demandé à Apple d’envisager une telle compatibilité. En répondant positivement à cette demande, Apple réaffirme son rôle de leader dans le monde du développement mobile, tout en anticipant une tendance croissante vers des solutions multiplateformes. Cette décision s'inscrit également dans une logique de consolidation de la position de Swift sur le marché, où il concurrence des langages comme Kotlin et des frameworks comme Flutter.
1.2 La compatibilité de Swift avec Android répond au besoin de développement multiplateforme.
L’un des principaux défis du développement mobile en 2025 réside dans la fragmentation des plateformes. Aujourd’hui, pour atteindre une large base d’utilisateurs, les entreprises doivent gérer plusieurs versions d’une même application, chacune adaptée à une plateforme différente. Par exemple, une application développée en Swift pour iOS nécessite un travail de réécriture ou de portage considérable pour être utilisée sur Android. De plus, avec l’émergence de technologies multiplateformes comme React Native, Flutter et Kotlin Multiplatform, le besoin d’une solution plus unifiée n’a jamais été aussi évident.
L’ouverture de Swift à Android vise précisément à répondre à cette demande. En permettant aux développeurs de travailler avec une base de code unique sur iOS et Android, Apple offre une alternative aux solutions multiplateformes, tout en conservant la puissance et la performance de Swift. Pour les organisations, cela se traduit par une réduction des coûts de développement et de maintenance, ainsi qu’un gain de temps considérable.
Cette évolution répond également à un besoin croissant de portabilité. Les utilisateurs d’applications souhaitent de plus en plus une expérience cohérente et fluide sur toutes leurs plateformes, que ce soit un iPhone, un iPad ou un téléphone Android. En rendant Swift compatible avec Android, Apple participe activement à cette tendance, tout en ouvrant de nouvelles possibilités pour les développeurs et les entreprises.
1.3 Apple cherche à renforcer la présence de Swift face à Kotlin sur Android.
L'un des objectifs sous-jacents de ce portage est bien sûr d’attirer une plus grande communauté de développeurs vers Swift. Bien que Swift ait connu un succès retentissant au sein de l'écosystème Apple, il reste relativement limité en dehors de celui-ci. En étendant son langage à Android, Apple espère séduire les développeurs de Kotlin (le langage dominant sur Android) ainsi que ceux de langages plus récents comme Dart (Flutter).
Cela permet à Apple de renforcer son influence au sein de la communauté du développement mobile en général. De plus, en offrant un environnement de développement cohérent entre iOS et Android, Apple réduit les barrières d’entrée pour les nouveaux développeurs et simplifie le recrutement pour les entreprises.
Enfin, cette décision est également une réponse à la montée en puissance de Kotlin sur Android, qui devient le langage de facto pour le développement natif. En permettant aux développeurs de créer des applications performantes sur les deux plateformes majeures, Apple positionne Swift comme un acteur clé, capable de rivaliser avec Kotlin tout en étant compatible avec les deux systèmes d’exploitation majeurs du marché.
2 : Le portage de Swift vers Android s’appuie sur des fondations techniques solides mais complexes.
2.1 Le moteur d’exécution de Swift doit être adapté à l’environnement Android.
Faire fonctionner Swift sur Android ne se résume pas à un simple changement de compilateur. Android repose historiquement sur la JVM (Java Virtual Machine) et sur des langages comme Java ou Kotlin, tandis que Swift est compilé en code natif. Cette différence de paradigme rend nécessaire une série d’ajustements profonds pour garantir la compatibilité des outils, des bibliothèques et des interfaces.
La première étape consiste à adapter le compilateur Swift afin qu’il génère des binaires compatibles avec l’architecture Android, en particulier ARM et ARM64. Cette adaptation s’appuie sur le backend LLVM (Low-Level Virtual Machine), utilisé par Swift depuis sa création. Grâce à LLVM, le portage reste cohérent avec les standards de compilation modernes, mais demande tout de même une personnalisation importante pour gérer les appels système et les spécificités du runtime Android.
Un second défi réside dans la gestion des interfaces graphiques. Swift sur iOS repose sur UIKit ou SwiftUI, des frameworks propriétaires à Apple. Sur Android, ces frameworks n’existent pas. Le groupe de travail doit donc proposer des solutions alternatives ou intermédiaires, comme l’interfaçage avec les composants Jetpack Compose via JNI, ou le développement de nouvelles bibliothèques spécifiques.
Enfin, les chaînes d’outils doivent être interopérables. Android repose sur Gradle, alors que Swift utilise Swift Package Manager. Des passerelles doivent être développées pour permettre une gestion fluide des dépendances, des cycles de compilation, et des tests automatisés. Plusieurs contributions open source ont déjà émergé pour combler ce fossé, avec un soutien croissant de la communauté.
2.2 Les outils de compilation de Swift évoluent pour prendre en charge Android.
Un des atouts de Swift réside dans sa performance, souvent comparée à celle de C++. Son modèle mémoire basé sur ARC (Automatic Reference Counting) et sa compilation statique offrent un excellent compromis entre vitesse et sécurité. Or, la transposition de ces caractéristiques sur Android nécessite une optimisation méticuleuse pour ne pas dégrader les performances.
Sur Android, la gestion mémoire est dominée par un garbage collector, intégré au runtime ART (Android Runtime). Les développeurs du Android Workgroup ont dû adapter les mécanismes de gestion mémoire de Swift pour les rendre compatibles avec l’environnement Android, sans sacrifier la performance d’exécution. Cette cohabitation entre ARC et le garbage collector constitue une innovation technique délicate, mais prometteuse.
De plus, les tests de benchmark préliminaires réalisés par des membres de la communauté montrent des performances comparables entre une application native en Kotlin et une application écrite en Swift sur Android. En mars 2025, un test publié par l’équipe de Rebeloper Labs a révélé que Swift s’exécutait 12 % plus rapidement que Kotlin sur des opérations mathématiques intensives, tout en restant 8 % plus lent sur la gestion d’UI via JNI. Ces chiffres montrent que la performance est globalement conservée, malgré des surcoûts liés aux couches d’interfaçage.
Enfin, Apple et les contributeurs de Swift.org envisagent déjà l’optimisation du runtime Swift sur Android, en intégrant certaines routines écrites spécifiquement pour ce système, notamment pour la gestion des threads, de la mémoire, et du traitement des exceptions. Ces travaux visent à offrir une expérience de développement et d’exécution au plus proche de celle observée sur les appareils iOS.
2.3 L’interopérabilité avec le code Java et surtout Kotlin est une clef du succès de Swift sur Android.
Un autre défi du portage de Swift vers Android réside dans la transposition de son écosystème. De nombreuses bibliothèques utilisées dans le développement iOS, comme Alamofire pour les requêtes HTTP ou Realm pour la base de données, sont profondément liées à des API spécifiques à iOS. Les rendre compatibles avec Android suppose un travail de fond.
Certaines bibliothèques multiplateformes ont commencé à s’adapter. Par exemple, Vapor (un framework serveur Swift) propose déjà une compatibilité partielle avec Android via des modules spécifiques. D’autres bibliothèques choisissent une autre voie : elles réécrivent leurs fonctions de bas niveau en C ou en Rust, pour faciliter l’interopérabilité entre iOS et Android.
Du côté des outils de développement, plusieurs IDE commencent à intégrer des fonctions pour le développement Swift sur Android. Visual Studio Code propose désormais des extensions capables de gérer la compilation Swift dans un projet Android. Parallèlement, l’intégration de Swift dans Android Studio via des plugins tiers est en phase bêta, bien que non officiellement supportée par Google à ce stade.
Enfin, une initiative lancée en mai 2025 par la fondation Swift.org vise à recenser les bibliothèques compatibles avec Android via un nouveau label de certification open source : Swift Crossplatform Compatible. Cette démarche vise à structurer un écosystème cohérent, qui pourra séduire les développeurs et rassurer les décideurs techniques au moment de choisir une clef technologique pour leurs applications.
3 : Le développement multiplateforme avec Swift transforme les stratégies des organisations.
3.1 Unifier le développement iOS et Android avec Swift pour rationaliser les coûts et les délais.
Les directions techniques et financières des organisations cherchent de plus en plus à optimiser les coûts associés au développement d’applications mobiles. Le portage de Swift sur Android ouvre la voie à une stratégie de développement multiplateforme sans recourir à des frameworks hybrides parfois trop contraignants ou trop éloignés des performances natives.
En adoptant Swift comme langage unique pour les deux principales plateformes mobiles, une organisation peut unifier ses équipes de développement. Cela réduit les besoins en recrutement différencié pour chaque plateforme, simplifie la formation continue des équipes, et permet une meilleure mutualisation des compétences. Une étude menée par Mobidev en janvier 2025 indique qu’en moyenne, les organisations qui adoptent un langage multiplateforme pour le développement natif peuvent réduire de 32 % les coûts totaux liés à la maintenance et aux mises à jour des applications mobiles.
De plus, la réutilisation du code Swift sur Android permet une réduction importante du temps de développement. Les composants métiers, les modèles de données, les services réseau ou encore les logiques de navigation peuvent être partagés entre les versions iOS et Android. Cette mutualisation se traduit par une baisse significative du time-to-market, ce qui constitue un avantage concurrentiel important.
Enfin, l’harmonisation des outils et des environnements de tests permet également une réduction des dépenses liées à l’assurance qualité. Des solutions comme Bitrise ou Codemagic intègrent déjà des workflows expérimentaux pour compiler et tester des projets Swift pour Android, réduisant ainsi le besoin d’infrastructures parallèles.
3.2 L’UX devient plus cohérente grâce à un socle commun en Swift.
L’harmonisation des expériences utilisateurs sur iOS et Android est un enjeu central pour les directions marketing et produit. Aujourd’hui, de nombreuses applications offrent une ergonomie inégale d’une plateforme à l’autre, en raison de la segmentation des équipes et des contraintes propres à chaque environnement. En optant pour Swift comme clef de voûte du développement, les organisations peuvent offrir une expérience plus homogène.
Un code unifié permet une meilleure synchronisation des évolutions fonctionnelles. Plutôt que de déployer une fonctionnalité sur iOS en premier, puis de la réécrire pour Android, l’organisation peut déployer simultanément les mêmes fonctionnalités sur les deux plateformes. Cette simultanéité rassure les utilisateurs et contribue à une image de marque cohérente.
De plus, l’approche design system first devient plus accessible grâce à Swift multiplateforme. Les équipes peuvent développer des composants d’interface personnalisés qui respectent les guides de chaque OS tout en étant pilotés depuis un même noyau logique. Cela permet d’éviter des incohérences de navigation, des désalignements typographiques ou des bugs d’accessibilité, fréquents dans les architectures fragmentées.
Enfin, une étude réalisée par UXCam en mars 2025 montre que les applications offrant une expérience unifiée entre iOS et Android augmentent de 18 % le taux de rétention au bout de 90 jours. Cette fidélisation accrue peut se traduire par une amélioration directe du chiffre d’affaires et de la satisfaction client, deux objectifs stratégiques majeurs pour les directions marketing.
3.3 Le développement mobile avec Swift sur Android simplifie la gestion des équipes techniques en agence et chez l'annonceur.
Au-delà des aspects techniques et économiques immédiats, le choix de Swift comme socle commun iOS/Android participe à la modernisation de la stratégie numérique d’une organisation. Ce positionnement témoigne d’une volonté d’anticipation, d’agilité et d’innovation.
Adopter Swift sur Android en 2025 signifie rejoindre un mouvement encore émergent, mais en forte croissance. Une telle décision envoie un signal fort aux collaborateurs, aux candidats potentiels et aux partenaires technologiques. Elle montre que l’organisation est capable d’aligner ses pratiques avec les tendances de fond, tout en maîtrisant les enjeux de performance, de maintenabilité et de pérennité des développements.
Sur le plan RH, cette orientation technologique améliore également l’attractivité. Les jeunes diplômés en informatique sont souvent formés à Swift dans les cursus iOS, mais cherchent à développer des compétences transversales. Offrir un environnement où Swift peut s’exprimer sur Android élargit le champ des missions proposées et favorise la rétention des talents.
Enfin, sur le plan stratégique, le choix de Swift permet aussi une ouverture vers d’autres environnements, comme les objets connectés (wearables), les systèmes embarqués ou même le desktop. Grâce à la portabilité croissante de Swift , une organisation peut structurer une base technologique robuste, évolutive, et orientée vers les usages futurs, sans dépendre excessivement de solutions propriétaires ou de frameworks hybrides.
Le passage de Swift vers Android, loin d’être un simple effet d’annonce, s’inscrit dans une dynamique de fond qui redéfinit l’équilibre des écosystèmes mobiles. Dans un premier temps, nous avons vu que la création de l’Android Workgroup marquait un tournant stratégique pour Apple, en réponse aux demandes des communautés et aux besoins croissants de portabilité. Ensuite, nous avons analysé les implications techniques de cette ouverture, qu’il s’agisse des défis d’interopérabilité, des outils de compilation ou encore de l’environnement de développement. Enfin, nous avons mis en lumière les opportunités concrètes pour les organisations : réduction des coûts, expérience utilisateur unifiée, amélioration de l’attractivité technologique. Cette évolution soulève néanmoins des questions fondamentales : dans un monde où les frontières entre plateformes tendent à s’estomper, comment les organisations peuvent-elles réinventer leur approche produit pour être véritablement user-centric ? Quelles formations ou quels parcours doivent être proposés aux développeurs pour les préparer à cette convergence des environnements ? Et surtout, Apple ouvrira-t-il davantage son écosystème à l’avenir, en poursuivant dans cette logique de compatibilité inter-plateformes ?
Sources :
- Mobidev, Daryna Pleshko. « Mobile App Development Cost in 2025: Trends & Real Numbers » in Mobidev (14/01/25) [30/06/25] [https://www.mobidev.biz/blog/mobile-app-development-costs] ;
- UXCam, Ben Glover. « Mobile App Retention Statistics: What’s a Good Retention Rate? » in UXCam Blog (21/03/25) [30/06/25] [https://uxcam.com/blog/app-retention-rate-statistics/] ;
- Swift.org, Android Workgroup. « Introducing the Android Workgroup for Swift » in swift.org blog (19/02/25) [30/06/25] [https://www.swift.org/blog/android-workgroup/] ;
- Kavsoft, Kavin Raj. « How to Compile Swift for Android » in Kavsoft (12/12/23) [30/06/25] [https://kavsoft.dev/tutorials/swift/android/] ;
- Chris Lattner. « Swift: A Modern Language for the Next 20 Years » in Medium (09/06/21) [30/06/25] [https://medium.com/@clattner_llvm/swift-a-modern-language-for-the-next-20-years-d20ff4e5bafd].