Développement cross-platform : vraiment moins cher que le natif ? Analyse à destination des décideurs.

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  • AuteurCarl-Stéphan Parent

Temps de lecture : environ 25 minutes.

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Ce qu’il faut retenir :

  • Le développement cross-platform offre un potentiel significatif de réduction des coûts de développement et de maintenance par rapport au natif, grâce à la mutualisation du code ;
  • La phase de développement initiale et la maintenance à long terme sont les principaux leviers d'économies, avec des gains pouvant atteindre 50 % voire plus sur le cycle de vie du produit ;
  • La réduction du temps de mise sur le marché (time-to-market) est un avantage économique indirect mais puissant, permettant un retour sur investissement (ROI) plus rapide ;
  • Cependant, les coûts cachés liés aux compromis de performance, à l'accès aux fonctionnalités natives et à la complexité de certains frameworks doivent être rigoureusement évalués ;
  • Le choix final entre cross-platform et natif est une décision stratégique qui dépend des objectifs spécifiques de l'organisation, du budget, des exigences de performance et des compétences de l'équipe.

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La question de l'optimisation des coûts et de l'efficacité est au cœur des préoccupations des directeurs marketing, des DSI, des CTO et des dirigeants d’organisations et de startups. Alors que le développement natif reste une référence, l'approche cross-platform gagne sans cesse du terrain en promettant des gains significatifs. Mais cette promesse économique est-elle toujours tenue ? Le développement cross-platform est-il moins cher que le développement natif ? Quels sont les facteurs qui influencent ce coût, et comment les décideurs peuvent-ils évaluer au mieux l'investissement pour leurs projets mobiles ? Cet article plonge au cœur de ces interrogations bien souvent stratégiques, en comparant les modèles de coûts, en explorant les économies réelles et les dépenses potentielles, et en vous offrant les clefs pour prendre une décision éclairée. Nous débuterons par une définition claire des deux approches, puis nous analyserons en détail les différents postes de coûts, pour enfin dresser une analyse comparative et des recommandations. Préparez-vous à démystifier la question financière du développement mobile.

1. Comprendre les fondamentaux : développement natif versus cross-platform.

1.1. Le développement natif : l'approche traditionnelle.

Le développement natif est l'approche traditionnelle et spécifique à chaque plateforme pour la création d'applications mobiles. Il implique l'écriture de code et l'utilisation de kits de développement logiciel (SDK) et d'outils propres à un système d'exploitation mobile donné. Pour iOS, les développeurs utilisent généralement Swift ou jadis Objective-C avec l'environnement Xcode et le framework UIKit (ou SwiftUI plus récemment). Pour Android, le langage privilégié est Kotlin ou plus rarement désormais Java, avec l'IDE Android Studio et les frameworks Jetpack ou les vues traditionnelles.

Les avantages du développement natif sont bien établis :

  • Performances optimales : les applications mobiles natives sont compilées directement pour le matériel spécifique de la plateforme. En conséquence, elles offrent la vitesse et la réactivité maximales. Elles exploitent pleinement les capacités du processeur et de la mémoire de l'appareil ;
  • Expérience utilisateur (UX) irréprochable : les interfaces utilisateur natives respectent parfaitement les directives de design et les comportements ergonomiques de chaque système (Material Design pour Android, Human Interface Guidelines pour iOS), garantissant une fluidité, une fluidité et une réactivité exemplaires ;
  • Accès complet aux fonctionnalités matérielles et API : les développeurs natifs ont un accès direct et sans restriction à toutes les fonctionnalités du périphérique (appareil photo, GPS, capteurs, notifications push avancées, NFC, Bluetooth, etc.) et aux dernières API du système d'exploitation dès leur sortie. Cependant, ces avantages ont un coût : le développement natif nécessite souvent deux équipes distinctes (une pour iOS, une pour Android), deux bases de code à maintenir et, par conséquent, un budget plus élevé et un temps de mise sur le marché potentiellement plus long.

1.2. Le développement cross-platform : une alternative réellement optimisée ?

Le développement cross-platform, souvent confondu avec le développement multiplateforme, propose une alternative au développement dit natif en permettant de créer des applications mobiles pour plusieurs systèmes d'exploitation (principalement iOS et Android) à partir d'une seule base de code unique ou majoritairement partagée. Cette approche vise à réduire les efforts de développement et les coûts en évitant la duplication du travail pour chaque plateforme.

Les principaux frameworks cross-platform actuels incluent :

  • React Native (par Meta, utilise JavaScript / TypeScript) ;
  • Flutter (par Google, utilise Dart) ;
  • Kotlin Multiplatform (KMP) (par JetBrains, utilise Kotlin) ;
  • Xamarin / .NET MAUI (par Microsoft, utilise C#).

Ces frameworks adoptent des stratégies différentes pour atteindre la compatibilité cross-platform : certains compilent le code pour qu'il s'exécute quasi nativement (comme Flutter avec son moteur de rendu Impeller ou KMP avec Kotlin /Native), tandis que d'autres s'appuient sur des composants UI natifs via un "pont" (comme React Native) ou encapsulent des technologies web (Ionic, Cordova).

Sur le papier, les promesses du cross-platform sont naturellement alléchantes :

  • Code unique : une seule base de code pour plusieurs plateformes ;
  • Rapidité : déploiement plus rapide sur le marché ;
  • Coût : potentiellement moins cher que le développement natif. C'est précisément cette promesse de réduction des coûts qui est, ne nous le cachons pas, au cœur des débats.

1.3. La question clef : le développement cross-platform est-il vraiment moins cher que le développement natif ?

La question de savoir si le développement cross-platform est intrinsèquement moins cher que le développement natif est complexe et ne peut pas se conclure par un simple oui ou non. La réponse dépend de nombreux facteurs, au premier rang desquels on compte les complexités techniques et fonctionnelles de l'application mobile, les exigences de performance et d'expérience utilisateur, la taille de l'équipe de développement (sa maturité...), la maturité du framework choisi, et, last but not least les coûts de maintenance à long terme.

En théorie, le développement cross-platform offre la possibilité de créer une application mobile susceptible de fonctionner sur diverses plateformes, telles qu'iOS et Android (mais pas seulement, web et desktop ne sont pas loin) et tout ça à partir d'un unique langage de programmation. Cette approche pourrait entraîner une réduction des coûts de développement et de maintenance, puisqu'elle évite la création de deux applications distinctes. Sur le papier tout du moins… La question « Le développement cross-platform est-il moins cher que le développement natif ? » suggère un avantage économique potentiel mais suffisamment significatif pour être systématiquement étudié  par les DSI et les décideurs stratégiques. Ce qui est moins souvent discuté, c'est la nature des compromis qu'il faudra faire en matière de performance voire de sécurité, de fluidité de l'interface utilisateur sans oublier l'accès aux fonctionnalités natives spécifiques à chaque plateforme dans certaines configurations avancées d'apps. Dans tous les cas une analyse rigoureuse et approfondie de ces différents points s'impose avant de s'engager dans une direction ou dans une autre.

La suite de cet article détaille les différents postes de coûts des deux approches et analyser en profondeur la validité de cette promesse de réduction des dépenses.

2. Analyse des coûts directs : le cas du développement initial.

2.1. Coûts de développement natif : le "prix" de la spécificité.

Le développement natif, en raison de sa nature spécifique à chaque plateforme, génère des coûts initiaux (build) qui sont perçus comme plus élevés dans la plupart des cas. Ces coûts s'expliquent principalement de la manière suivante :

  • Deux équipes de développement distinctes : généralement, une équipe est dédiée à iOS (développeurs Swift /SwiftUI) et une autre à Android (développeurs Kotlin /JetPack Compose). Cela signifie ad minima de doubler les salaires des développeurs (il existe bien quelques "licornes" qui interviennent sur les deux OS), dans une moindre mesure il faut spécialiser les chefs de projet, les testeurs et les UX/UI designers ;
  • Deux bases de code à écrire : la logique métier et l'interface utilisateur doivent être conçues et implémentées deux fois, une pour chaque plateforme. Cela entraîne logiquement un double effort de codage. Par exemple, si une fonctionnalité prend 100 heures à développer sur iOS, elle prendra également environ 100 heures sur Android (voire un tout petit peu plus d'expérience) ;
  • Tests et assurance qualité (QA) : les applications natives nécessitent des tests sur une gamme plus large de dispositifs et de versions de système d'exploitation pour chaque plateforme, ce qui peut augmenter les efforts de QA ;
  • Outils et licences spécifiques : bien que les IDE (Xcode, Android Studio) soient gratuits, certaines licences de logiciels tiers ou services spécifiques à une plateforme peuvent générer des coûts supplémentaires.

Le coût moyen d'une application mobile peut varier considérablement (en réalité, changez application mobile par site web dans la phrase et vous pourrez faire le même constat ; il n'y a pas que WordPress et Shopify dans la vie). Selon une étude de Statista de 2023, le coût moyen de développement d'une application mobile se situait entre 30 000 et 700 000 dollars (source : Statista, "Average cost of mobile app development worldwide as of 2023", 2023). 

Pour une application mobile de complexité équivalente, le développement natif pour les deux plateformes représente souvent la fourchette haute des estimations ; de notre expérience jusqu'à 20% à 30% supérieurs (des pourcentages qui peuvent être revus à la baisse si la maturité et la vélocité des équipes de développement sont avérés). Le choix du natif est un investissement dans la performance et la qualité sans compromis, mais force est d'admettre qu'il exige un budget initial souvent plus conséquent.

2.2. Coûts de développement cross-platform : la promesse d'économies initiales.

Le développement cross-platform promet des réductions de coûts significatives dès la phase de développement initiale. Ces économies proviennent principalement de la mutualisation des efforts :

  • Base de code unique ou partagée : c'est le principal moteur d'économie. En écrivant la logique métier une seule fois, les organisations réduisent de manière substantielle le temps de développement. Selon Appinventiv, le développement cross-platform peut réduire les coûts de développement d'environ 50 % par rapport au natif (source : Appinventiv, "Cross-Platform App Development Costs", 2023). Pour une application qui aurait coûté 100 000 dollars en natif (iOS + Android), le cross-platform pourrait la ramener à 50 000 dollars, ...en théorie. Chez Ikomobi nous constatons plutôt un écart de l'ordre de 20% à 30% ;
  • Équipe de développement réduite ou polyvalente : une seule équipe de développeurs peut gérer les deux plateformes, ou des équipes plus petites. Les développeurs n'ont besoin de maîtriser qu'un seul langage (JavaScript, Dart, Kotlin, C#) et un seul framework. Cela réduit les frais de personnel et la complexité de la gestion des ressources humaines. Une startup peut ainsi démarrer avec un budget plus limité et une équipe plus restreinte ;
  • Tests simplifiés : bien que des tests spécifiques à chaque plateforme restent nécessaires, une grande partie des tests unitaires et d'intégration peut être effectuée sur la base de code partagée, ce qui réduit les efforts de QA.

Il faut noter que l'ampleur des économies dépendra du framework retenu et de la complexité de l'application. Des frameworks comme Ionic (basés sur les technologies web) peuvent offrir des économies plus importantes sur les coûts initiaux pour des applications simples, tandis que Flutter ou Kotlin Multiplatform exigeront un investissement forcément plus conséquent en raison de leur nature plus proche du natif, mais avec à la clef des performances et une UX supérieures.

2.3. Le facteur time-to-market : un gain économique indirect.

Au-delà des coûts directs de développement, le temps de mise sur le marché (time-to-market) est un facteur économique indirect mais significatif à prendre en considération. Plus une application mobile est lancée rapidement, plus vite elle peut générer des revenus, acquérir des utilisateurs et commencer à réaliser un retour sur investissement (ROI).

  • Accélération du cycle de développement : en évitant la duplication du code et en permettant une équipe plus unifiée, le développement cross-platform permet des cycles de développement plus courts. Une fonctionnalité peut être développée une seule fois et déployée quasi simultanément sur iOS et Android. Business of Apps rapporte que plus de 70 % des développeurs cross-platform citent le "temps de développement plus rapide" comme l'un des principaux avantages (source : Business of Apps, "Cross-Platform App Development Trends", 2024) ;
  • Avantage concurrentiel : être le premier sur le marché ou réagir rapidement aux tendances peut être un avantage stratégique déterminant. Les organisations qui lancent leurs applications plus vite peuvent capter une part de marché plus importante et établir leur positionnement avant leurs concurrents ;
  • Revenus anticipés : un lancement plus rapide signifie que l'application commence à générer des revenus plus tôt, ce qui améliore la trésorerie de l'organisation et accélère le ROI du projet.
  • Validation rapide des idées : pour les startups et les organisations qui itèrent rapidement, le cross-platform permet de tester des concepts et de valider des hypothèses auprès d'une large base d'utilisateurs avec un investissement initial moindre, réduisant ainsi le risque financier. Le time-to-market n'est pas un coût direct, mais sa réduction a un impact positif indéniable sur la rentabilité globale du projet mobile.

3. Analyse des coûts indirects et de maintenance.

3.1. Coûts de maintenance et de mise à jour : une perspective nuancée.

La maintenance et les mises à jour représentent une part significative du coût total de possession d'une application mobile tout au long de son cycle de vie. Bien que le développement cross-platform soit souvent perçu comme la solution la plus économique, une analyse plus approfondie révèle des nuances importantes, en particulier concernant les coûts de maintenance à long terme.

  • Développement natif : la maintenance d'applications natives implique de gérer deux bases de code distinctes (une pour iOS et une pour Android). Chaque correction de bug, mise à jour de sécurité ou ajout de fonctionnalité mineure nécessite une implémentation sur chaque plateforme. Ce processus peut doubler les efforts et les coûts de maintenance initiaux. Cependant, l'utilisation de frameworks UI modernes et natifs comme Jetpack Compose (Android) et SwiftUI (iOS) permet de bâtir des interfaces utilisateur robustes et performantes avec un minimum de dépendances externes ;
  • Développement cross-platform : avec une base de code partagée pour la logique métier, un correctif unique peut être appliqué et déployé sur les deux plateformes, ce qui simplifie grandement la gestion de cette couche. Appinventiv estime que le développement cross-platform peut réduire les coûts de maintenance de 50 à 80 % (source : Appinventiv, "Cross-Platform App Development Costs", 2023). Ce gain est particulièrement avantageux sur le long terme, la maintenance représentant jusqu'à 50 % du coût total de possession d'un logiciel. Les organisations comme Netflix (avec Kotlin Multiplatform) ont d'ailleurs témoigné de la simplification de la standardisation de la logique métier sur plusieurs applications.

Cependant, il est faut noter que cette économie n'est pas sans contrepartie, surtout dans le cas des frameworks hybrides. Ces technologies ont tendance à s'appuyer sur un nombre de librairies tierces bien plus important que les frameworks UI natifs. Le concept même de technologies hybrides implique l'intégration de nombreuses dépendances, souvent héritées du web, pour émuler des composants natifs. Avec le temps, ces librairies deviennent de plus en plus difficiles à gérer, ce qui augmente les risques de dette technique et rend la maintenance préventive de plus en plus coûteuse. Les équipes de Wallmart peuvent en témoigner.

Chez Ikomobi, nous avons mis en place des procédures de maintenance préventive rigoureuses pour identifier et remplacer les dépendances inutiles, ce qui nous a permis de réduire le nombre de librairies jusqu'à un facteur 10 dans certains projets.

De plus, bien qu'une grande partie de la logique métier puisse être partagée, la couche d'interface utilisateur (UI) nécessite un effort différencié si l'on souhaite offrir une expérience utilisateur (UX) optimale et native. La maintenance de cette couche UI, qui est propre à chaque OS, peut alors devenir de plus en plus chronophage et coûteuse au fil du temps même en ayant recours à un framework cross-platform.

Ces nuances sont essentielles pour toute prise de décision stratégique. Une approche équilibrée qui allie le partage de la logique métier et une attention particulière à l'expérience utilisateur permet de maîtriser les coûts de maintenance tout en offrant une application mobile de haute qualité.

3.2. Coûts liés aux performances et à l'expérience utilisateur.

Les compromis potentiels en matière de performance et d'expérience utilisateur dans le développement cross-platform peuvent générer des coûts indirects qu'il est essentiel de prendre en compte.

  • Optimisation des performances : si un framework cross-platform ne fournit pas la performance attendue pour des fonctionnalités spécifiques (animations complexes, jeux, traitement de données en temps réel), il peut être nécessaire d'investir dans des optimisations coûteuses. Cela peut impliquer l'écriture de "modules natifs" personnalisés ou des ajustements complexes du framework, ce qui annule une partie des économies initiales. Le temps passé à optimiser pour pallier ces lacunes peut s'accumuler rapidement.
  • Expérience utilisateur compromise : une UX médiocre génère la plupart du temps des conséquences financières indirectes :
    • Taux d'abandon élevés : les utilisateurs frustrés par une application lente ou peu intuitive la désinstallent, ce qui réduit la portée de l'organisation et le ROI de l'application ;
    • Mauvaise réputation et notes faibles : les avis négatifs sur les stores peuvent nuire à la perception de la marque et décourager de nouveaux téléchargements ;
    • Coûts de support client : une UX maladroite entraine un volume plus élevé de requêtes au support client, et augmente les dépenses opérationnelles ;
    • Perte de revenus : pour les applications e-commerce ou les services, une UX dégradée peut se traduire directement par des ventes ou des conversions manquées. Les frameworks qui privilégient les UI natives ou une compilation très proche du natif (comme Kotlin Multiplatform) minimisent ces risques, mais une application cross-platform mal conçue deviendra sans nul doute un gouffre financier indirect.

3.3. Coûts liés à la dépendance aux frameworks et à la formation.

L'adoption d'un framework cross-platform introduit une dépendance vis-à-vis de ce framework, de son écosystème et de sa communauté. Cette dépendance génère elle aussi des coûts indirects :

  • Risque de "lock-in" technologique : si le framework perd de son élan, n'est plus maintenu activement, ou ne suit pas les évolutions des plateformes iOS et Android, l'organisation peut se retrouver avec une base de code obsolète et difficile à faire évoluer, nécessitant potentiellement une refonte coûteuse. Choisir un framework soutenu par de grands acteurs (Apple, Google, Meta) réduit ce risque mais ne l'annule pas (cf. l'éviction d'une bonne partie de l'équipe Flutter) ;
  • Coûts de formation : bien que les frameworks cross-platform promettent de capitaliser sur les compétences existantes (JavaScript pour React Native, Kotlin pour KMP), il y a toujours une courbe d'apprentissage et des coûts de formation pour que les équipes maîtrisent les spécificités du nouveau framework. Par exemple, une équipe Java devra apprendre Dart pour Flutter (paix à son âme). Ces coûts, bien que ponctuels, doivent être intégrés au budget ;
  • Gestion des mises à jour du framework : les frameworks cross-platform sont en constante évolution. Les mises à jour majeures peuvent parfois introduire des ruptures de compatibilité ou nécessiter des efforts d'adaptation importants pour maintenir l'application fonctionnelle.

En somme, si les économies initiales sont attrayantes, une vision à long terme doit intégrer ces coûts indirects et ces risques. La clé est une analyse exhaustive du coût total de possession (TCO), qui prend en compte non seulement le développement, mais aussi la maintenance, les performances et la pérennité technologique.

4. Quand le cross-platform est-il réellement plus économique ?.

4.1. Scenarii idéaux pour le cross-platform.

Le développement cross-platform démontre pleinement sa valeur ajoutée dans des scenarii spécifiques où ses avantages intrinsèques peuvent être maximisés :

  • Applications à forte logique métier partagée : lorsque le "cerveau" de l'application (gestion des données, API de communication, règles business, algorithmes) est prédominant et peut être mutualisé entre iOS et Android. Des frameworks comme React Native excellent ;
  • Budget et temps de mise sur le marché limités : pour les startups ou les projets avec des contraintes financières et des délais serrés, le cross-platform permet de lancer une application fonctionnelle sur les deux stores plus rapidement et avec un investissement initial réduit ;
  • Applications de complexité moyenne : pour les applications qui ne nécessitent pas des performances graphiques extrêmes (jeux 3D, applications de montage vidéo lourd, listing produits complexes) ou un accès constant et ultra-optimisé aux fonctionnalités matérielles de pointe. Les applications de productivité, d'e-commerce, de réseaux sociaux classiques ou de services sont souvent d'excellents candidats ;
  • Exigence de cohérence fonctionnelle : si l'organisation souhaite que l'application se comporte de manière identique sur iOS et Android, le cross-platform simplifie grandement l'atteinte de cette cohérence, réduisant les bugs liés aux différences de plateforme ;
  • Équipes polyvalentes ou à compétences unifiées : si votre équipe de développement maîtrise déjà un langage comme JavaScript ou Kotlin, l'adoption d'un framework cross-platform pertinent permet de capitaliser sur ces compétences sans devoir réinvestir massivement dans des formations spécifiques au natif. Dans ces cas de figure, les réductions de coûts sont non seulement possibles mais souvent significatives, faisant du cross-platform le choix le plus économique et le plus stratégique.

4.2. Quand le développement natif conserve t-il son avantage économique ?

Malgré l'évolution des frameworks cross-platform, le développement natif conserve un avantage économique dans de nombreux contextes, notamment à long terme ou pour des projets très spécifiques :

  • Applications exigeant des performances extrêmes : pour les jeux complexes en 3D, les applications de réalité augmentée/virtuelle (AR/VR), les applications de traitement d'image ou de vidéo en temps réel, ou tout projet où la moindre milliseconde compte, le natif est souvent plus performant et peut éviter des optimisations très coûteuses en cross-platform ;
  • Intégration matérielle poussée : si l'application doit interagir de manière très spécifique et performante avec des capteurs uniques, des périphériques Bluetooth propriétaires, ou des fonctionnalités système très récentes et de bas niveau, le développement natif offre un accès direct et optimisé qui peut être complexe, coûteux, voire impossible à répliquer parfaitement en cross-platform ;
  • Applications à UI très personnalisée et spécifique à la plateforme : bien que des frameworks comme ou KMP avec UI native minimisent cet inconvénient, des applications avec des interfaces utilisateur très complexes, des animations uniques et des comportements qui doivent parfaitement coller aux directives de design de chaque plateforme peuvent bénéficier d'une implémentation native. La gestion des particularités UX de chaque écosystème est alors plus fluide ; NB : ecommerce inclus !
  • Équipes déjà spécialisées et matures : si une organisation dispose déjà d'équipes iOS et Android natives hautement efficaces et expérimentées, le passage au cross-platform pourrait entraîner des coûts de formation et de réorganisation qui annulent une partie des économies promises, du moins à court terme. Dans ces cas, le coût supplémentaire initial du natif peut être justifié par une meilleure performance, une UX sans compromis et une maintenance plus simple des modules complexes, rendant le TCO indubitablement plus avantageux.

4.3. Les coûts cachés du cross-platform à surveiller.

La promesse d'économies du cross-platform peut être entachée par des coûts cachés qu'il est impératif d'identifier et de planifier :

  • Besoins en modules natifs personnalisés : si le framework cross-platform ne permet pas d'accéder directement à une API native spécifique ou de gérer une fonctionnalité complexe, il faudra développer des modules natifs pour chaque plateforme. Cela ajoute du temps et des coûts, et nécessite des compétences natives. Selon un rapport de DZone, jusqu'à 20-30 % du code d'une application cross-platform peut encore être spécifique à la plateforme pour des fonctionnalités complexes (source : DZone, "The Hidden Costs of Cross-Platform Mobile Development", 2022) ;
  • Dépendances aux mises à jour des frameworks et des OS : les frameworks cross-platform doivent s'adapter aux évolutions rapides d'iOS et Android. Si le framework est lent à se mettre à jour, ça entraîne des blocages, des incompatibilités ou des retards coûteux voire des ruptures de service. Les migrations vers de nouvelles versions majeures du framework peuvent également s'avérer complexes ;
  • Coûts de performance et d'optimisation : une application cross-platform mal optimisée souffre de performances dégradées (temps de chargement lents, latence UI). Le temps passé à identifier et résoudre ces problèmes peut être considérable, annulant les gains de développement initiaux ;
  • Taille de l'application : les applications cross-platform sont parfois plus volumineuses que leurs équivalents natifs en raison de l'intégration des moteurs de rendu ou des frameworks. Bien que cela n'ait pas d'impact direct sur les coûts, cela peut affecter le taux de téléchargement ou l'expérience utilisateur. Un mauvais point côté écoconception ;
  • Courbe d'apprentissage inattendue : même si un langage est familier, les spécificités du framework cross-platform peuvent exiger une courbe d'apprentissage plus raide que prévu, entraînant des retards et des coûts de formation supplémentaires. Une planification minutieuse, une expertise technique avisée et une compréhension claire des limites du framework choisi sont essentielles pour éviter ces pièges et assurer que les économies promises se concrétisent.

Il va de soi que la question « Le développement cross-platform est-il vraiment moins cher que le développement natif ? » ne se résume pas à un simple oui ou non. Les modèles de coûts, les économies substantielles générées par la mutualisation du code et l'accélération du time-to-market, à contrario les coûts cachés liés aux compromis de performance, à l'intégration native et à la dépendance aux frameworks doivent indéniablement nuancer les promesses du cross-platform. Comme le dit l'adage : "les promesses n'engagent que ceux qui les croient". Pour autant, le cross-platform offre un potentiel d'optimisation financière pour de nombreux projets, son efficacité économique réelle est conditionnée par une adéquation parfaite entre le framework choisi et les besoins spécifiques de l'organisation. L'analyse du coût total de possession et une planification rigoureuse sont donc indispensables pour transformer cette promesse en réalité. Quelles sont les complexités fonctionnelles de votre prochain projet qui pourraient influencer ce choix économique ? Comment votre organisation évalue-t-elle le ROI des investissements technologiques à long terme ? Et quelles compétences techniques internes sont primordiales pour réussir votre stratégie de développement mobile ?

Sources :

  1. Business of Apps, "Cross-Platform App Development Trends", in Business of Apps, (2024) [03/06/2025] [www.businessofapps.com/insights/cross-platform-app-development-trends/].
  2. Statista, "Average cost of mobile app development worldwide as of 2023", in Statista, (2023) [03/06/2025] [www.statista.com/statistics/1321748/average-cost-of-mobile-app-development/].
  3. Appinventiv, "Cross-Platform App Development Costs", in Appinventiv, (2023) [03/06/2025] [www.appinventiv.com/blog/cross-platform-app-development-cost/].
  4. DZone, "The Hidden Costs of Cross-Platform Mobile Development", in DZone, (2022) [03/06/2025] [https://dzone.com/articles/the-hidden-costs-of-cross-platform-mobile-develop].
  5. Netflix Technology Blog, "Netflix Android and iOS Studio Apps — now powered by Kotlin Multiplatform", in Netflix Technology Blog, (29/10/2020) [03/06/2025] [https://netflixtechblog.com/netflix-android-and-ios-studio-apps-now-powered-by-kotlin-multiplatform-70d744b1c205].